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OSMOSE INVERSE
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Dans un communiqué du 13 septembre 2019, la « MEL », ou « métropole européenne de Lille » recommandait vivement de ne plus mettre l’eau du robinet dans les biberons des nouveaux nés et nourrissons de moins de 6 mois. Chez la femme enceinte, la consommation de l’eau du réseau est également déconseillée. Ces recommandations doivent être appliquées à partir du 17 septembre 2019, et ce jusqu’à nouvel ordre.
La raison de cette restriction est liée à une augmentation considérable de la concentration du perchlorate dans les eaux des réseaux de la MEL. Cette augmentation subite est liée à l’exploitation de nouveaux forages situés dans le sud de la métropole. Ce choix était une nécessité car trois années consécutives de sécheresse ont abaissé le niveau des nappes phréatiques à un niveau encore jamais vu. Ces forages délivrent une eau dont la concentration en perchlorate est supérieure à quatre microgrammes par litre. Or, sur la base des avis de l’ANSES des 18 juillet 2011 et 20 juillet 2012, la Direction Générale de la Santé a demandé, par principe de précaution, que des restrictions de consommation soient prononcées :
- à partir de 4 μg/L de perchlorates pour les nourrissons de moins de 6 mois
- au-delà de 15μg/L de perchlorates pour les femmes enceintes et allaitantes (protégeant ainsi fœtus et nourrissons).
Actuellement, La MEL estime qu’environ 90 communes sont potentiellement concernées par cette pollution au perchlorate.
Ce n’est pas la première fois que le Nord de la France est confronté à des problèmes liés à la présence de perchlorate d’ammonium dans l’eau du réseau. En effet, en octobre 2011, une étude lancée par l’ARS (agence régionale de la santé) avait pour objectif de déterminer la concentration de perchlorate dans les eaux de réseau. En octobre 2012, cette étude révéla que 544 communes des départements du Nord et du Pas-de-Calais étaient concernées par un arrêté de restriction portant sur la consommation d’eau pour les nourrissons de moins de 6 mois et pour les femmes enceintes ou allaitantes. Aujourd’hui la majorité de ces communes sont encore concernées par ce problème.
Les fortes concentrations de perchlorate d’ammonium dans le Nord ne seraient en fait qu’un héritage datant de la première guerre mondiale. Selon l’ARS, les innombrables munitions tirées le long de la ligne de front (qui se trouvait à la limite entre la plaine de Flandres et le plateau d’Artois) seraient responsables de la pollution actuelle des eaux au perchlorate.
Carte 1 : Carte de l’ARS montrant les taux de perchlorate dans la région Nord-Pas de Calais
La présence de perchlorate dans l’eau de nos réseaux s’explique par la nature chimique de celui-ci. Ce composé inorganique d’origine anthropique ou naturelle est majoritairement rencontré sous forme de perchlorate d’ammonium NH4ClO4.
À l'exception des perchlorates de métaux alcalins lourds et quelques gros cations tels que nitron et chlorure de tétraphényle d’arsonium (tous deux utilisés comme des précipitants gravimétriques pour perchlorate), tous les perchlorates sont solubles dans l'eau.
Après hydrolyse, les sels de perchlorates (d’ammonium, de magnésium, de calcium, de césium, de barium, etc.) se dissolvent donc complètement dans l’eau pour donner du perchlorate sous forme anionique : ClO4-. Cette forme est très mobile et a la particularité d’être incolore et inodore. De cette manière, le perchlorate est facilement entraîné jusqu’aux nappes phréatiques. Seulement, ces ressources d’eau contaminées sont utilisées pour approvisionner nos réseaux d’eau courante. On observe ce type de pollution dans plusieurs région de l’hexagone.
Carte 2 : Carte des teneurs en ions perchlorate en France métropolitaine par classes de concentration (en μg/l) au niveau des captages d’eaux brutes mesurées par échantillon ponctuel au cours de la campagne réalisée entre octobre 2011 et mai 2012 par le laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’ANSES (LHN)
Le perchlorate ingéré peut provoquer de nombreux symptômes. Sa toxicité atteint différents métabolismes et organes. Le principal organe concerné est la thyroïde.
La thyroïde, aussi appelée glande de l’humeur est l’organe le plus affecté par l’absorption de perchlorate. Celui-ci passe dans le sang via le tractus gastro-intestinal. Le pic plasmatique est observé 3 heures après l’ingestion. Le perchlorate systémique va être diffusé et se concentrer essentiellement au niveau des muqueuses gastriques, de la glande salivaire et de la thyroïde. Cela va provoquer une dysthyroïdie, et plus exactement orienter vers une hypothyroïdie. En effet, le perchlorate empêche les cellules thyroïdiennes de capter l’iodure, et entraîne aussi une sortie d’iodure de ces cellules vers la circulation par transport actif (compétition avec l’iode++). Comme l’ion perchlorate n’est pas métabolisé, il est ensuite excrété par voie rénale. Ce phénomène compétitif affecte la thyroïde, même à faible concentration au bout de 14 jours. Le nourrisson de moins de six mois, la femme enceinte et le fœtus y sont plus sensibles que le reste de la population. Comme leurs réserves d’iode sont plus faibles, le déficit en hormones thyroïdiennes est plus important et peut avoir un impact sur leur développement neurocomportemental.
A des concentrations plus élevées (> 1g/j), on observe l’atteinte d’autres organes. Comme le perchlorate a tendance à se concentrer dans la muqueuse gastrique, il n’est pas surprenant d’observer des troubles digestifs, tels que des nausées, des vomissements et des gastralgies.
D’un point de vue hématologique, des cas d’anémies ont été décrits, ainsi que des cas d’agranulocytose et de leucopénie. Des décès ont été rapportés chez les patients développant une aplasie médullaire.
La solution la plus simple serait de respecter les restrictions d'usage de l'eau, bien que le département du Nord se trouve toujours en situation de sécheresse. Ces restrictions pourraient permettre plus rapidement un retour à la normale.
Néanmoins, d’autres solutions existent, pour les collectivités. L'ARS rappelle que "le traitement des perchlorates par des résines échangeuses d’ions ou des procédés membranaires tels que l’osmose inverse peut être envisagé, afin de réduire leur teneur au robinet". Dans le cas de l’osmose inverse, les expériences menées démontrent qu'environ 80 % de la concentration en perchlorate initiale (100 μg/L) dans l'eau pure pouvaient être abattus. Cet abattement peut être amélioré par l'ajout d'un agent tensio-actif cationique. Les technologies de filtration sur membrane sont prometteuses pour l'élimination de perchlorate dans l'eau potable.
La filtration par charbon actif est aussi efficace, mais elle est limitée par la nécessité de changer ces filtres très régulièrement. Cependant ce principe est souvent utilisé en amont de l’osmose inverse, en vue d’éliminer le chlore et les particules organiques (gouts et odeurs).
Dr Clément Parmentier
INERIS. Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : perchlorate d’ammonium. DRS-12-126866-07629A, -67. 2012
Sanderson, R. T., "Inorganic Chemistry,"Reinhold, New York, 1967, p.83.
Lamm SH, Braverman LE, Li FX, Richman K, Pino S, Howearth G. Thyroid health status of ammonium perchlorate workers: a cross-sectional occupational health study. J Occup Environ Med 1999 ; 41 : 248-60.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille-metropole/cinq-questions-perchlorate-ce-residu-qui-pollue-eau-du-robinet-1723325.html
https://www.bfmtv.com/societe/lille-l-eau-potable-polluee-par-des-munitions-datant-de-la-premiere-guerre-mondiale-1768186.html
http://www.leparisien.fr/societe/la-metropole-de-lille-recommande-de-ne-pas-mettre-d-eau-du-robinet-dans-les-biberons-13-09-2019-8151498.php
AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à la présence d’ions perchlorate dans le lait infantile et dans l’eau destinée à la consommation humaine en France
Perchlorate de potassium et pathologies thyroïdiennes Dahan A*, Duhamel C*, Bonnet H*, Sarrut B* et la participation du Comité de rédaction
INERIS, 2014. Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : Perchlorate d’ammonium, DRC-13-126866-06964C, 71 p. (http://rsde.ineris.fr/ ou http://www.ineris.fr/substances/fr/)
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